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TEMOIGNAGES-CHOCS DE REFUGIES AU SUD
 Le Monde - 21 novembre 2013
par Philippe Mesmer
Ā«Faites attention aĢ votre ombre. Fai- tes attention aĢ votre famille. Je vous ferai sentir aĢ quel point la vengeance peut eĢtre cruelle.Ā» Cāest un fax aĢ lāorigine inconnue, dateĢ du 25 octobre. Les mots font peur mais Park Sang- hak, son destinataire, ne semble gueĢre sāen soucier. Ā«La police enqueĢteĀ», explique cette figure de la lutte pour le renversement du reĢgime nord-coreĢen, qui subodore une nouvelle menace de Pyongyang. Ā«En avril, jāavais reçu un pigeon mort.Ā» Park Sang-hak a fui en CoreĢe du Sud en 1999 graĢce aĢ son peĢre, qui avait fait deĢfection en 1996 apreĢs une carrieĢre au plus preĢs du pouvoir aĢ Pyongyang. Avant de sāeĢchapper, M. Park travaillait pour la propagande du reĢgime. Devenu militant Ā«par devoir et convictionĀ», il multiplie les actions, en envoyant notamment vers le Nord des ballons chargeĢs de tracts tendant aĢ casser les mythes entourant le reĢgime. Il a deĢjaĢ fait lāobjet de plusieurs tentatives dāassassinat. Sa famille et lui vivent sous protection constante de la police sud-coreĢenne. Son histoire comme sa lutte traduisent la face sombre du reĢgime nord-coreĢen, mal connue, mais dont le contour se dessine en creux, au fil des teĢmoignages de ceux qui ont reĢussi aĢ y eĢchapper, ce qui est de plus en plus difficile. Ā«Depuis lāarriveĢe au pouvoir de Kim Jong-un en deĢcembre 2011, explique Kim Yong-tae, de lāassociation dāaide aux reĢfugieĢs NKnet, la surveillance de la frontieĢre avec la Chine a eĢteĢ renforceĢe.Ā» Cela se ferait avec la compliciteĢ de PeĢkin. Ā«La police chinoise a distribueĢ des moyens de communication aux habitants de la frontieĢre pour quāils signalent le passage de Nord-CoreĢens.Ā» Elle aurait eĢgalement multiplieĢ les cameĢras de surveillance. CoĢteĢ nord-coreĢen, les sanctions en cas de tentative de fuite restent seĢveĢres. Tenter de passer la frontieĢre serait passible de 7 anneĢes de deĢtention. Ceux dont il est eĢtabli quāils veulent partir en CoreĢe du Sud risquent lāenfermement dans un camp de prisonniers politiques, voire dāeĢtre exeĢcuteĢs. En 2012, les reĢfugieĢs arriveĢs au Sud nāont pas deĢpasseĢ le chiffre de 1 509. Ils eĢtaient plus de 2 700 en 2011. Quelque 24.000 reĢfugieĢs habitent en CoreĢe du Sud, avec leur histoire souvent cruelle. Ji Seong-ho est amputeĢ dāun bras et dāune jambe depuis les anneĢes 1990. Ā«CāeĢtait pendant la peĢriode de famine. JāeĢtais le fils aiĢneĢ alors je devais māoccuper de ma famille.Ā» Il prend tous les risques pour deĢgoter de la nourriture, jusquāaĢ se glisser la nuit sous un train pour entrer dans lāenceinte dāune mine et deĢrober des aliments. Ā«Une fois, aĢ cause de lāeĢpuisement, je suis tombeĢ.Ā» En 2000, il passe une premieĢre fois en Chine. Ā«Ça māa ouvert les yeux sur le monde exteĢrieur.Ā» En 2006, ce natif de Hoeryong, dans la province de Hamgyong-Nord (nord-est), fuit. Son peĢre lāaide aĢ passer le fleuve Tumen, aĢ la frontieĢre sino-nord-coreĢenne. Il arrive aĢ SeĢoul apreĢs un peĢrilleux voyage aĢ travers la Chine et le Laos pour rejoindre la ThaiĢlande, pays qui accorde un statut aux reĢfugieĢs. Aujourdāhui eĢtudiant en droit, il dirige lāorganisation non gouvernementale Now Action & Unity for Human Rights (NAUH), qui aide les jeunes reĢfugieĢs du Nord. Il a appris que son peĢre avait eĢteĢ tortureĢ et tueĢ en guise de repreĢsailles. En par la punition du coupable comme de sa famille, qui se prolonge parfois sur plusieurs geĢneĢrations. Cāest aussi la faim qui a pousseĢ Oh Se-hyeok aĢ quitter la ReĢpublique populaire deĢmocratique de CoreĢe (RPDC). Ā«Tout a commenceĢ avec la mort de ma meĢre. JāeĢtais aĢ lāeĢcole pour devenir officier. Mon peĢre a eĢteĢ chasseĢ du Parti du travail [parti unique, au pouvoir] car il ne payait plus les cotisations et nāassistait plus aux seĢances dāautocritique.Ā» ForceĢ dāarreĢter ses eĢtudes, il doit travailler pour nourrir sa famille. Il nāy parvient pas. Ā«Il eĢtait difficile dāavoir un repas par jour.Ā» Il deĢcide de partir en 2003. Il est aujourdāhui sans nouvelle de ses proches. Cette reĢaliteĢ est eĢvoqueĢe lors des auditions de la commission dāenqueĢte de lāONU sur les droits de lāhomme en ReĢpublique populaire et deĢmocratique de CoreĢe. CreĢeĢe en mars, notamment pour Ā«eĢtablir pleinement la responsabiliteĢĀ» des violations des droits de lāhomme en RPDC, Ā«en particulier lorsque ces violations peuvent constituer des crimes contre lāhumaniteĢĀ», elle a organiseĢ des auditions en aouĢt aĢ SeĢoul, en septembre aĢ Tokyo, et qui se poursuivent en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. La CoreĢe du Nord a refuseĢ de collaborer, y voyant une Ā«manÅuvre politiqueĀ» pour obtenir un changement de reĢgime. Devant les trois juges de la commission se succeĢdent, parfois de manieĢre anonyme, les teĢmoins directs ou indirects des deĢrives du reĢgime de Pyongyang: les mauvais traitements, les enleĢvements de ressortissants eĢtrangers, comme ceux de peĢcheurs sud-coreĢens ou de la Japonaise Megumi Yokota, kidnappeĢe en 1977 aĢ 13 ans alors quāelle revenait de lāeĢcole, et surtout le systeĢme carceĢral, particulieĢrement les camps de prisonniers politiques, sont eĢvoqueĢs. Peu dāinformations circulent aĢ leur sujet. De 80.000 aĢ 120.000 personnes seraient deĢtenues dans cinq camps, estimait en mai lāInstitut coreĢen pour lāunification nationale (KINU), baseĢ aĢ SeĢoul. Ā«Les informations dont nous disposons commencent aĢ dater, deĢplore Oh Se-hyeok, qui travaille eĢgalement pour le site dāinformation sur la CoreĢe du Nord DailyNK. Le dernier teĢmoignage dont nous avons connaissance date de plusieurs anneĢes.Ā» Il sāagit de celui de Kim Hye-suk, qui a passeĢ vingthuit ans dans le camp 18, aĢ Bukchang (centre-ouest). EmprisonneĢe en 1975 parce que son grand-peĢre avait fui au Sud, elle a beĢneĢficieĢ dāune amnistie en 2003, aĢ lāoccasion de lāanniversaire du leader Kim Jong-il (1941-2011). Elle a quitteĢ la CoreĢe du Nord en 2009. Le teĢmoignage le plus prenant reste celui de Shin Dong-hyuk, recueilli en 2012 par le journaliste Blaine Harden dans RescapeĢ du camp 14 (eĢd. Belfond). Lāouvrage est traduit en 13 langues et, selon Shin Dong-hyuk, Ā«il a permis aĢ beaucoup de gens de sāinteĢresser aĢ la situation des droits de lāhomme en CoreĢe du NordĀ». NeĢ en 1981 dans le camp 14, situeĢ aĢ Kaechon (ouest) et qui abriterait 50 000 deĢtenus, Shin Dong-hyuk a teĢmoigneĢ le 20 aouĢt aĢ SeĢoul et rappeleĢ que son premier souvenir eĢtait celui dāune exeĢcution publique. Ā«Jāavais 5 ans et je ne comprenais pas, se souvient-il. Pour la premieĢre fois, jāentendais des deĢtonations. Jāai eu si peurque je suis tombeĢ.Ā» A 14 ans, il a eĢteĢ tortureĢ parce que ses parents avaient tenteĢ de sāeĢchapper. Jin Heon-a, elle, a eĢteĢ incarceĢreĢe en 1999 apreĢs avoir eĢteĢ renvoyeĢe de force en RPDC par les autoriteĢs chinoises. Elle a assisteĢ au meurtre dāun nouveau neĢ, tueĢ par sa meĢre sur ordre des gardiens du camp. PrisonnieĢre, elle a duĢ se nourrir de grenouilles saleĢes. Dans les camps, les rations alimentaires ne deĢpassent pas 350 grammes par jour, explique-t-on chez NKnet. Il nāy a pas de viande. Les prisonniers chassent les rats, les serpents ou les grenouilles. Ā«Il faut avoir un cÅur de pierre pour ne pas eĢtre bouleverseĢ par les teĢmoignages recueillisĀ», a deĢclareĢ, le 25 octobre, le preĢsident de la commission, le magistrat australien Michael Kirby, apreĢs des auditions reĢaliseĢes aĢ Londres. La commission consulte des juristes ameĢricains et britanniques pour obtenir une extension des attributions de la Cour peĢnale internationale, baseĢe aĢ La Haye (Pays-Bas). Elle permettrait de juger les responsables des abus en CoreĢe du Nord.
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